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Enquête pédagogique en Afrique du Sud
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8 juillet 2010

Rencontre avec Anna

Lors de notre passage au Cap, Clémence, notre amie et membre d’Ubumi, a mis Anna sur notre chemin: « Il faut absolument que vous la rencontriez. Elle sera parfaite pour votre enquête et le message qu’Ubumi souhaite délivrer. »

Clémence avait raison. Malgré son emploi du temps overbooké, Anna a accepté de nous accorder un peu de son temps pour répondre à nos questions. Joviale, enthousiaste, très positive, elle n’en est pas moins réaliste et exigeante envers sa communauté. Sans tergiverser, Anna nous livre sa vision de l’apartheid, de l’héritage de ce système aujourd’hui et des solutions pour y mettre fin. C’est clair et précis, sans compromis !

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Extraits de son interview :

Grandir sous l’apartheid dans une famille atypique

« Ma famille venait de Woodstock, un quartier « multiracial », ou mixte, qui l’est resté même sous l’apartheid. Mes parents avaient des amis indiens, noirs, métis et j’avais même une tante indienne.

J’ai vécu dans un environnement très protégé. Je n’aurais sans doute pas eu conscience de l’apartheid si ma mère n’avait pas été une résistante au régime. Un jour, elle est revenue en pleurant d’une manifestation où la police avait jeté des gaz lacrymogènes. C’est à partir de ce moment là que j’ai commencé à comprendre dans quel type d’état je vivais. Mais sinon, j’avais une nourrice métis et je prenais des bains avec ses enfants, je ne vivais pas la discrimination au quotidien. D’ailleurs, on ne parlait pas de l’apartheid à l’école. C’est seulement en 91, quand la communauté blanche était en état de panique générale en raison de la transition politique, qu’on a commencé à aborder le sujet. Certains jours, je ne pouvais pas rentrer chez moi après l’école à cause des manifestations.

Chez moi, au contraire, on était heureux de ce changement. Mon père était anti-apartheid, mais ce n’était pas un militant, il n’a jamais rien fait contre, donc je dirais qu’il était complice du régime. Alors que ma mère était une militante ANC, bien qu’elle vienne d’un milieu plutôt raciste. Quant à ma grand-mère, elle était l’une des fondatrices des Black sash* à Athlone. Elle avait une « safe house », c’est-à-dire, qu’elle accueillait les résistants chez elle et les cachait lorsqu’ils étaient poursuivis par la police de l’apartheid.

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Il était évident pour nous que l’apartheid devait mourir. Mais quand De Klerk a été élu, on a cru que le régime se durcirait. Il était en effet connu pour être très conservateur. Mais à notre surprise, c’est lui qui a amorcé la transition en commençant par libérer Nelson Mandela. Ce jour là, je n’avais que 11 ans, mais je m’en souviens très bien. Ma mère est allée devant l’hôtel de ville du Cap pour l’accueillir et entendre son discours. Mon père, lui, est monté sur la table mountain pour observer la marée humaine ! Ce jour-là, on était sûr que ça changerait. Que l’apartheid était bel et bien mort. »

Abandonner des privilèges indus

« Si je suis amère aujourd’hui en tant que Blanche? Amère de quoi ? D’avoir perdu des privilèges que je n’étais pas censée avoir de toute façon ? Bien sûr que non ! »

La responsabilité de (re)donner

« Je suis assez optimiste. Sans doute parce que je travaille pour la réconciliation en faisant pratiquer la capoeira à des jeunes de toutes les races et de tous les milieux sociaux.

Dans tous les cas, je ne veux pas quitter mon pays. Les Blancs ont la responsabilité de faire changer l’Afrique du Sud.

Mon souhait pour l’avenir : que les enfants aient tous les mêmes opportunités. Je ne souhaite pas qu’ils soient tous égaux, parce qu’on ne peut pas forcer cela, mais qu’ils soient égaux dans leur accès aux opportunités aux sens large.

Nous ne sommes que de petites gouttes, nous avons besoin de plus de gens pour agir à nos côtés pour une Afrique du Sud plus juste. Ceux qui ont beaucoup reçu se doivent de donner à leur tour. Il en va de leur responsabilité. »

* Black Sash: Organisation féminine de résistance non-violente créée en 1955, qui a lutté contre les expropriations, contre le "Pass Law Act" qui instaurait le port obligatoire d'un laissez-passer pour tous les non-Blancs de plus de 16 ans, afin de contrôler et de sanctionner tout déplacement non autorisé hors leur zone de travail ou de résidence, etc.

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Enquête pédagogique en Afrique du Sud
  • Après 2 séjours d'1 an en Afrique du Sud depuis 2005, nous repartons cette fois pour 3 mois, pour un tour du pays à la rencontre de Sud-Africains souhaitant répondre à nos questions sur le vivre-ensemble dans une société multiculturelle.
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