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Enquête pédagogique en Afrique du Sud
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29 juin 2010

La mauvaise éducation

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C’est l’histoire d’une petite école nichée au milieu de nulle part, dans un ancien motel perdu entre fermes et fermes, près de la petite bourgade d’Alice, dans l’Eastern Cape. Derrière leurs pupitres colorés ou sur le terrain de hockey s’affairent une bonne centaine de bambins. Ils sont blancs, noirs, métis, sourient, chantent juste et en chœur. Leurs parents sont infirmières, instituteurs ou professeurs à l’université voisine de Fort Hare, qui jadis accueillit Nelson Mandela, Robert Mugabe ou encore Steve Biko. Ils paient cher, mais construire la nation arc-en-ciel a-t-il un prix ? Et les anciens de Yellowwoods réussissent, c’est prouvé. La recette, fondée sur des petits effectifs, une implication sans bornes des élèves, des parents et des enseignants – pourtant mal payés – et une foi indéfectible dans les bienfaits de la diversité, s’avère efficace. C’est l’histoire d’un établissement comme il en existe en fait de plus en plus en Afrique du Sud. Celle d’habitant d’une contrée rurale qui ont décidé de ne pas attendre le gouvernement pour éduquer leurs chérubins… Une belle histoire qui n’a de triste que son coût financier et sa raison d’être : combler les lacunes d’un système, et non accueillir tous les enfants sud-africains des environs, riches comme pauvres.

Débourser ou patienter

Photo_22_052De fait, les écoles privées – et peu accessibles, les bourses étant peu nombreuses – pullulent au pays de Mandela depuis 1994. « Les voisines publiques manquent scandaleusement de moyens », raconte Colleen Louw, ex-professeur et mécène à Yellowwoods. C’est vrai. Mais c’est un peu plus compliqué que le doigt pointé de cette épouse de fermier anglais vers l’incompétence de l’ANC ne le suggère, répond en substance Paul Bischoff, qui dirige le département politique de Rhodes University, à Grahamstown, toujours dans l’Eastern Cape : « Beaucoup de professeurs le sont devenu à la fin des années 1970, quand il s’agissait d’équiper les écoles de la ‘’bantu education’’ inventée par le pouvoir blanc. Leur formation a été bâclée. Ils n’ont jamais eu le niveau de leurs ainés, ceux de la génération de Mandela. »

Avant la fin de l’apartheid, l’éducation nationale était régie par pléthore de ministères : non seulement chaque province disposait d’une de ses branches, mais chaque groupe « racial » avait sa propre administration. Des éducations noire, indienne ou coloured se développaient parallèlement au système blanc. Réformer le « mammouth » sud-africain nécessite avant tout du temps. « Sans compter qu’à la fin des années 1990, la voie d’une éducation basée sur la performance et non sur les résultats a été empruntée, à l’instar de ce qui existe au Canada, par exemple. Ce fut un échec total et il a fallu réformer à nouveau. L’Afrique du Sud a perdu du temps. »

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S’ajoutent à ce passif quelques obstacles notoires, comme l’inclinaison systématique des syndicats d’enseignants à défendre leurs ouailles, alors même que dans de nombreux townships, l’absentéisme, l’alcoolisme ou les abus sexuels des professeurs font des ravages. « L’éducation incarne incontestablement le principal échec de l’ANC depuis 1994, continue Paul Bischoff. C’est dramatique : investir dans ce secteur est le seul moyen de sortir de la pauvreté. Mais il faut encore du temps. » Et à Yellowwoods comme ailleurs, on est impatient.

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  • Après 2 séjours d'1 an en Afrique du Sud depuis 2005, nous repartons cette fois pour 3 mois, pour un tour du pays à la rencontre de Sud-Africains souhaitant répondre à nos questions sur le vivre-ensemble dans une société multiculturelle.
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