Journées inattendues à Qunu – 1er épisode

Vous connaissez Qunu ? (Prononcer « Kounou » et non pas « cul nu »!) C’est le village d’enfance de Mandela. Ubumi devait bien passer par là !

Qunu est un village du Transkei (ancien Bantoustan), vallonné, vaste, paisible. Les huttes sont assez espacées les unes des autres, et quasiment chaque foyer dispose d’un petit lopin de terre, où pousse principalement du maïs.

A côté du musée Mandela, se trouvent un collège et un lycée. Parfait pour nous ! On décide donc d’aller rencontrer le directeur et de voir avec lui si nous pourrions interviewer deux de ses élèves. Un peu gênés d’arriver sans prévenir, nous avançons dans le lycée.

On salue en xhosa ceux qu’on croise, on cherche le bureau du directeur dans un brouhaha infernal. On a mis quelques minutes à comprendre que c’était à cause de nous. Apparemment, deux Blancs dans un lycée à Qunu, ce n’est pas très courant. Nous devenons tout à coup l’attraction de l’école, tous les élèves sortent des classes pour nous interpeler, crient, dansent, nous saluent, veulent connaître notre prénom, nous demandent de les prendre en photos…

Nous atteignons le bureau du proviseur. Tout le monde dans son bureau semble content de notre visite et de nos quelques mots de Xhosa. [Je crois qu’on ne regrettera jamais le temps qu’on a passé à apprendre les bases de cette langue : c’est fou le nombre de larges sourires, de rires mêmes et de chaleur que notre charabia en xhosa nous a procurés !] On leur explique le projet d’Ubumi – pour une fois depuis deux mois, ce mot fait partie du vocabulaire de ceux qu’on croise! Et on demande à rencontrer quelques jeunes de leur école pour les interviewer. Pas de problème, on revient demain à 13h30.

Alors qu’on allait repartir – sans manquer de solliciter à nouveau l’excitation générale des élèves sur notre chemin – deux profs commencent à discuter un peu avec nous et, puisqu’on s’apprêtait à aller voir la maison d’enfance de Mandela, proposent de nous y accompagner. Ils s’appellent Zanele et Vela.

Zanele nous confie qu’elle n’a « pas souvent l’occasion de rencontrer des étrangers dans son village », alors elle est « heureuse de nous consacrer du temps ». Nous voilà donc partis, vers la maison de Mandela – qui est finalement tellement protégée qu’on ne la verra que de loin. Zanele a beau essayer de négocier avec les policiers qui gèrent l’entrée de la ferme, on n’y pénètrera pas ! Vela est aussi déçu que nous, il rêvait aussi d’y aller. Mais on comprend : ce n’est pas un musée comme sa maison de Soweto après tout.

Zanele ne veut pas en rester là, en tout cas. Elle connaît un endroit où nous serons accueillis. A quelques kilomètres, Jonopo n’attendait que nous ! Jonopo est une sorte de Musée-Bed&Breakfast. Dans certaines huttes, on y apprend quelques traditions xhosas. Dans d’autres, on y dort, ou y mange, ou fait la fête.

   

On a appris pas mal de choses : saviez-vous que les hommes s’assoient le long du mur, du plus vieux au plus jeune, le plus vieux devant être au plus prêt de la porte. Comme ça, si jamais quelqu’un entre avec de mauvaises intentions, c’est le vieux qui se fera tuer en premier, laissant ainsi une chance aux jeunes d’assurer la survie de la communauté. Pas bête! « Et les femmes, elles s’assoient où ? Oups, là, vous êtes du côté des hommes, venez donc par ici, en face. Ben y a pas de sièges... Oui, c’est normal. Les femmes s’assoient par terre, sur une paillasse. »

Et saviez-vous aussi que si les pipes des femmes sont plus longues que celles des hommes, c’est pour que la fumée n’atteigne pas le bébé ?

Vela, qui est pourtant lui-même Xhosa et sait déjà tout de ce que Siboniwe nous explique, nous confie que c’est « le plus beau jour de sa vie.» Il se fait prendre en photo dans chaque angle de ce mini-village, comme s’il découvrait la culture xhosa. Il fait plus touriste que nous !

Malgré la barrière de la langue – l’anglais n’est la langue maternelle d’aucun d’entre nous – ces moments ont été intenses et précieux. Une rencontre inattendue, spontanée. Quatre inconnus qui profitent de l’instant présent, contents d’être ensemble sans se connaître, sachant parfaitement qu’ils ne se reverront sans doute jamais.

Je ne me lasserai jamais de la disponibilité des Sud-Africains et de leur capacité à faire de chacune de nos journées ici, une expérience mémorable.

La suite au prochain épisode :

Rencontre de Dolly & sa famille – toujours à Qunu.

Comments

[Anne]

... pour ce désir d'immersion, cette volonté d'apprendre la culture de l'autre.
... pour toutes ces belles rencontres.

Un avenir est possible !