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Enquête pédagogique en Afrique du Sud
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28 avril 2010

FREEDOM DAY + 1

Le lendemain du « freedom day » dont je vous parlais ultra rapidement hier, je me dois de vous réécrire. Je n’ai pas eu le temps de tout vous dire. Ça faisait longtemps que je voulais publier la photo d’une classe « multiraciale » comme on dit ici, « multiculturelle » comme on préfère le dire en français, ainsi que l’image d’une jeune blanche apprenant le Xhosa à l’école. Je trouvais que le freedom day était une excellente occasion, parce qu’avant le 27 avril 1994, il m’aurait été difficile de le faire.

C’était évidemment un tableau assez idyllique, le reflet de ce que l’ont souhaite tous voir quand on vient en Afrique du Sud. Mais je ne pourrais pas prétendre vous rapporter ce que l’on découvre sur place de manière objective sans compléter l’article d’hier par celui-ci.

freedom_day_poster

Alors que je souhaitais un « happy freedom day » à mes amis Sud-Africains hier, j’ai reçu plusieurs réponses qui remettent les pieds sur terre : « Je pense à ceux qui se sont battus pour qu’on soit libres et qui ne sont plus avec nous aujourd’hui… » « La liberté ne se décrète pas. » « La plupart d’entre nous ne peuvent pas profiter de leur liberté car nous sommes maintenus dans la pauvreté… », etc.

Une éducation multiraciale dans les écoles payantes

Et oui, à l’école où nous étions hier, les parents payent 2000 rands par mois de scolarité, l’équivalent de 200 euros à peu près. Il faut savoir que cette somme équivaut au salaire mensuel d’une « maid » (femme de ménage ou bonne), et encore… Quand j’ai demandé, à tout hasard, à la directrice s’il y avait à Yellowwoods des enfants des ouvriers agricoles travaillant dans les fermes environnantes, elle m’a répondu qu’évidemment que non, leurs salaires n’étant pas suffisamment élevés. mandela_votes

Des images comme celle d’hier, on n’en voit que dans les écoles payantes*. Ce ne sont donc que les parents ayant un salaire suffisant qui peuvent permettre à leurs enfants d’aller dans des écoles « multiraciales ». Comme l’illustre le témoignage de Simphiwe, du township d’Alexandra, les enfants noirs dont les parents ne peuvent payer des frais de scolarité vont dans les écoles de leur township, où évidemment ils ne croisent pas un blanc… Et tout le monde déplore ici la mauvaise qualité de l’enseignement dans ces écoles (point sur lequel nous reviendrons prochainement). La majorité des enfants noirs, aujourd’hui, n’ont donc accès ni à une éducation de qualité ni à une éducation « multiraciale ». La liberté qu’ont acquise leurs parents ne leur profite pas vraiment. Ils demeurent coincés dans leur township surpeuplé et étudient dans les écoles les moins performantes du pays. Qu’est-ce qui a changé pour eux depuis l’apartheid, dans ces conditions ?

13% des noirs possèdent une terre

Et en parlant de township justement, on rappelle dans le Mail & Guardian de cette semaine qu’aujourd’hui seulement 13% des noirs possèdent une terre, alors qu’ils représentent 80% de la population sud-africaine…  On célèbre donc la liberté, ou du moins l’abolition de l’apartheid dans les textes, mais l’héritage de cet infâme régime est encore bien prégnant… Si prégnant que l’on peut lire de nombreux éditos cette semaine, remettant en cause ce qu’on célèbre réellement en ce 27 avril 2010…

Alors voilà, 16 ans après l’avènement de la démocratie en Afrique du Sud, je dois vous dire qu’on n’a pas rencontré grand monde qui savoure réellement cette liberté, hormis ceux qui en jouissaient déjà sous l’ancien régime…

Il reste que ce pays regorge aussi de gens d’une force mentale inouïe, qui travaillent d’arrache-pied à ce que cette nouvelle liberté change au moins le destin de leurs enfants, qui s’efforcent de construire un pays fraternel et sont prêts à effacer l’ardoise.

Simphiwe_3Alors même s’il était nécessaire de rappeler que le chemin vers la liberté, la vraie, est encore long, j’aimerais terminer sur ce commentaire de Simphiwe (qui ne fait pas encore partie des grands gagnants de la nouvelle Afrique du Sud), le jour du Freedom day: « En tant que jeune Sud-Africain, ce jour me rappelle l’époque où mes mères, mes frères et mes sœurs se sont battus pour notre liberté. Ce jour représente combien l’Afrique du Sud a changé et prouve qu’elle a su trouver le bonheur. On ne peut qu’aimer ce pays. En 2010, commençons à écrire une nouvelle page de notre histoire. » Si un jeune du township d’Alexandra le dit, c’est sans doute que le Freedom day a tout de même un peu de sens !

NB : N’hésitez pas à encourager Simphiwe (en anglais ou zoulou ou xhosa !) sur la page d’Ubumi. Comme vous pourrez le lire dans son interview, il passe son bac cette année et fait tout pour avoir d’excellentes notes et ainsi obtenir une bourse pour l’université. 

*: j’utilise “payante” et non pas “privée” parce qu’ici, une école dite publique peut aussi être payante.

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Commentaires
J
Bonjour!<br /> Je suis Jérôme d'Orcades une association d'éducation au développement et à la solidarité internationale. J'ai rencontré Julie qui m'a permis de prendre connaissance de votre blog! C'est superbe et très bien documenté. Un blog utile! Merci.<br /> Je vais le suivre attentivement et j'établis d'ore et déjà un lien sur le blog que j'anime. Vous y retrouverez les notes sur nos pratiques et projets.<br /> Bon courage!<br /> <br /> Au plaisir de vous lire!<br /> <br /> Jérôme
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  • Après 2 séjours d'1 an en Afrique du Sud depuis 2005, nous repartons cette fois pour 3 mois, pour un tour du pays à la rencontre de Sud-Africains souhaitant répondre à nos questions sur le vivre-ensemble dans une société multiculturelle.
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